Demande de Critiques : Demande1 Phase : Relecture De : Julien Moutinho (pour de la Démocratie) Révision : Révision5 (7 nov. 2019) À : Habitant·tes de Gentioux-Pigerolles Licence : Creative Commons BY-SA Préoccupations : Démocratie (n=1, À tester), Autres (n=0) Complémentée par : • Demande2 « Un canevas pour penser une Demande de Critiques » • Demande3 « Un déroulement pour négocier une Demande de Critiques » • Demande4 « Un code de conduite pour discuter une Demande de Critiques » • Demande5 « Un bilan approximatif pour juger une Demande de Critiques » Des Demandes de Critiques pour composer avec le pluralisme de nos préoccupations Bilan approximatif Parmi les destinataires de la présente Demande1, vous êtes d’avis — chacun·e au nom d’une des préoccupations ici reconnues — de la juger selon les profils de mérite suivants : À rejeter « j’ai bien compris et c’est une mauvaise idée en ce qui concerne ma préoccupation » À clarifier « je ne comprends pas bien l’idée en ce qui concerne ma préoccupation » À améliorer « ça pose des problèmes majeurs en ce qui concerne ma préoccupation » À tester « ça peut marcher en ce qui concerne ma préoccupation » À garder « c’est une bonne idée qui marche en ce qui concerne ma préoccupation » Conditions pour juger : Ouvert à tout le monde. Démarches pour juger : Contactez le Conseil Éditorial des Demandes de Critiques. Dernière consolidation des jugements : 7 nov. 2019 Résumé Ce document plaide en faveur et détaille le fonctionnement des Demandes de Critiques de Gentioux-Pigerolles, une méthode en construction pour permettre à quiconque de faire une place aux préoccupations qui lui tiennent à cœur, dans un écosystème où la complexité des situations rend difficile voire impossible d’envisager tous les problèmes que peuvent engendrer la traduction en actes de ses préoccupations. Et tout aussi difficile d’envisager des solutions actionnables qui peuvent coïncider avec ces problèmes. Au lieu d’imposer d’emblée nos préoccupations par de la force ou de la majorité, ce qui mène généralement à de graves dysfonctionnements. Et au lieu de nous épuiser à convincre tout le monde, ce qui mène généralement à l’impuissance. Table des matières 1. Explications 5 1.1 Avant-propos 5 1.2 Conseils de lecture 5 1.3 Introduction 5 1.3.1 S’ouvrir à la confrontation 5 1.3.2 À chacun·e sa « bonne cause » et les trolls seront bien gardés 6 1.3.3 Défaire des nœuds plutôt qu’enfoncer des portes 6 1.3.4 Une confrontation des « bonnes causes » a lieu qu’on en ait envie ou non 7 1.3.5 Dans quelles situations faire une Demande de Critiques ? 7 1.4 Motivations 8 1.4.1 Agir et pas seulement réagir 8 1.4.2 La vie et pas seulement la bourse 8 1.4.3 Nous écrire et pas seulement nous assembler 9 1.5 Objectif 9 1.5.1 Objectif principal : une commune et des communs démocratiques 9 1.5.2 Objectif minimal : porter la préoccupation démocratique 9 1.5.3 Objectif modeste : faire comprendre ce qu’est une Demande 10 1.5.4 Objectif honorable : porter des Demandes dans des communs 10 1.5.5 Objectif ambitieux : porter des Demandes dans la commune 10 1.5.6 Objectif maximal : transmettre la préoccupation démocratique 10 1.6 Inspirations 10 1.6.1 Une théorie issue des luttes pour l’environnement 10 1.6.1.1 L’environnement-sincère contre l’environnement-opportuniste 10 1.6.1.2 Les raisons de la ruse 11 1.6.2 Une pratique issue des communs du numérique 11 1.6.2.1 No time, no power, no money 11 1.6.2.2 « This memo […] » 12 1.7 Définitions 12 1.7.1 Un « commun » 12 1.7.2 Une « organisation » 13 2. Actions 14 2.1 Le style d’une Demande 14 2.1.1 Un sujet circonscrit 14 2.1.2 Un document de qualité 14 2.1.3 Un effort scientifique et philosophique 14 2.2 Les rôles 15 2.2.1 Les Équipes 15 2.2.2 Le Conseil Éditorial 15 2.2.3 Le Jury Éditorial 15 2.3 Alliances 16 2.3.1 Pivoine 16 2.4 Travaux futurs 16 3. Critiques 17 3.1 Inconvénients 17 3.1.1 Trop Long ; Pas Lu 17 3.1.2 C’est trop d’efforts pour les Équipes 17 3.1.3 C’est trop d’efforts pour le Conseil Éditorial 17 3.1.4 C’est trop d’efforts pour le plus grand nombre 18 3.1.5 C’est restreint à l’écosystème de Gentioux-Pigerolles 18 3.1.6 C’est de la démocratie (trop) procédurale 18 3.1.7 Ça n’engage à rien 20 3.1.8 Parler politique, c’est s’exposer 21 3.1.9 Assurer le secret des délibérations n’est pas facile 21 3.2 Résistances 21 3.3 Questions non-résolues 21 3.3.1 Quelles premières applications concrètes de cette Demande ? 21 3.3.2 La situation actuelle est-elle suffisamment insatisfaisante ? 22 3.3.3 Cette Demande trouve-t-elle un équilibre entre formalisme et flexibilité ? 22 3.4 Alternatives 22 3.4.1 Continuer à nous laisser polariser par des trolls 22 3.4.2 Déléguer 22 4. Références 23 5. Équipe 23 5.1 Remerciements 23 1. Explications 1.1 Avant-propos Vous êtes de nombreuses personnes de notre village comme de ses alentours à être dans un effort d’organisation. Le présent document que nous (voir la section « Équipe ») vous écrivons, vise à se joindre humblement à votre cheminement, en réfléchissant avec vous sur les constats des problèmes qui se posent aujourd’hui, et en essayant d’apporter une aide à la conception de méthodes d’organisation pour les surmonter, en obtenant de meilleurs résultats sur le plan qui nous nous préoccupe : la démocratie. Ce document ne prétend pas être un manuel parfait ou définitif d’organisation d’une réflexion collective — ce qui reviendrait clairement à sous-estimer la richesse et la complexité des situations — et c’est bien pour prendre acte de cette impossibilité, que ce document est lui-même une Demande de Critiques, ouverte comme toute autre à la critique et à la désuétude. 1.2 Conseils de lecture Nous vous recommandons de lire la présente Demande dans l’ordre de ses sections : « Explications », « Actions » puis « Critiques ». Nous vous recommandons de vous attarder préalablement un moment sur la « Table des matières » qui vous donnera une vision panoramique de la structure et des thèmes de cette Demande, car nous avons essayé de nommer chaque section de sorte qu’elle donne un bon aperçu des sujets qu’elle traite. La section « Explications » vous apportera des éléments théoriques et de contexte pour comprendre le cheminement des Demandes et vous faire une idée de leur importance. La section « Actions » vous apportera les conclusions pratiques permettant la mise en œuvre des Demandes. Comme il se doit cette section est plus technique, et donc — contrairement à ce que son nom laisserait supposer — est probablement aussi la plus soporifique, de sorte qu’il vaut peut-être mieux ne la découvrir dans un premier temps que de vive-voix, comme un nouveau jeu de société. Quant à la section « Critiques », elle ne vous intéressera probablement que si vous souhaitez approfondir ou participer à cette réflexion. Nous désirons vivement vos critiques pour la compléter, mais nous vous recommandons toutefois de lire préalablement entièrement cette Demande et en particulier la section 2.5 « Le code de conduite des Demandes ». Au minimum, nous vous recommandons de survoler les titres des sous-sections de la section « Critiques », car il est possible que vous y trouviez déjà votre critique représentée et discutée. 1.3 Introduction 1.3.1 S’ouvrir à la confrontation Si l’on accepte le principe radical, mais plutôt raisonnable pour qui aspire à vivre en démocratie, que toute cause est légitime — même si on la combat — à partir du moment où au moins une personne s’en préoccupe, alors une personne, dont l’intention ne serait à priori partagée par personne d’autre, serait amenée à se demander : « qu’est-ce qui fait qu’on n’essaie pas de résoudre ce problème qui m’est cher ? » et « est-ce que d’autres gens pourraient s’intéresser à ce problème avec moi ? ». L’idée des présentes Demandes de Critiques est qu’alors cette personne ne devrait pas miser sur l’imposition par décret de sa cause par une quelconque « volonté politique », dont il est probable qu’elle engendre de la violence et des dysfonctionnements très graves. Ni attendre que « les gens » soient d’accord pour se soucier de sa cause, et se dire qu’après seulement on fera de la stratégie pour atteindre cette préoccupation, car cela mène à l’impuissance. L’idée est au contraire de considérer que cette personne devrait mettre sa détermination au profit d’une analyse stratégique ouverte à la confrontation avec les autres, et devrait pour cela se saisir de la méthode démocratique des Demandes. 1.3.2 À chacun·e sa « bonne cause » et les trolls seront bien gardés La méthode des Demandes part du constat qu’aucun groupe de travail ne peut envisager tous les aspects d’une situation, et encore moins porter sincèrement et efficacement toutes les préoccupations qu’ont les personnes qui créent ou subissent cette situation. Personnes aux préoccupations tellement enchevêtrées qu’il est peu probable d’ailleurs qu’elles puissent se mettre d’accord sur une quelconque hiérarchie à donner à leurs préoccupations potentiellement contradictoires. À partir du moment où on choisi une cause comme étant le guide et la priorité de l’analyse, on renonce à faire soi-même des autres considérations et causes, des éléments à parité dans sa propre analyse. Dès lors, ou bien les autres préoccupations ne sont portées par personne, auquel cas il y aurait un vrai problème, mais cela est peu probable. Ou bien les autres préoccupations sont portées par d’autres personnes et il y aura luttes, négociations, conflits, concurrences, freinages, évitements, arbitrages, médiations, coopérations et autres compositions. Le pluralisme ne consiste pas à envisager soi-même tous les aspects du problème, mais à dire « moi j’ai tel aspect que je considère fondamental, j’amène ça dans le débat social, je m’engage » et d’autres gens vont porter d’autres préoccupations et on va faire société et politique là-dessus. 1.3.3 Défaire des nœuds plutôt qu’enfoncer des portes La méthode des Demandes vise ainsi à faire converser la pluralité de nos voix, afin de démêler le vrai du faux pour chacune de nos compréhensions du monde, et de démêler le bien du mal pour chacune de nos préoccupations de référence. Pour cela il s’agit de rendre plus facile, à chaque personne portant une préoccupation, la possibilité de renforcer son plaidoyer, dans une boucle de rétro-action avec les personnes qui impactent sa préoccupation : premièrement en développant un objectif clair et simple sur deux plans qui s’auto-engendrent mutuellement : la recherche d’éléments explicatifs et la recherche d’éléments actionnables, et deuxièmement en échangeant largement dans un cadre propice aux critiques construites. Au-delà de lutter contre les pratiques antidémocratiques consistant à mettre les personnes devant le fait accompli — assimilables au fameux « move fast and break things » qu’ont pour devise des « startups innovantes » mais surtout irresponsables — tout l’intérêt de s’équiper collectivement de la méthode des Demandes est dans le résultat produit par cette boucle de rétro-action entre demandes et critiques, qui permet généralement d’identifier ou de construire de nouveaux possibles. Car s’il suffisait d’une action volontaire, simple, faisable et qui ne bloque pas sur des obstacles, cet objectif serait déjà réalisé d’une certaine manière. Si cet objectif se réalise, cela proviendra du fait que des personnes continuent de le porter comme objectif légitime à faire vivre à leurs yeux, mais pas parce qu’une administration ou une quelconque « majorité » l’aura décrété d’autorité. Ainsi, l’inscription dans un cadre institutionnel — à commencer par la section « Consensus approximatif » qui se retrouve au début de chaque Demande — est un appui aux intentions des personnes qui portent la Demande, ou un appui aux personnes qui souhaitent combattre la Demande, mais pas l’inverse. Il n’y a pas de condition que tel parlement ou tel conseil ait voté pour qu’une Demande se réalise, cela signifierait seulement que son objectif a été enregistré institutionnellement dans un cadre donné. C’est au contraire la détermination d’une intention juste et authentique, de personnes partageant un désir de rendre un certain service ou d’atteindre un certain état, qui devrait fonder l’existence d’une Demande, tirer sa stratégie et la faire vivre auprès des personnes auxquelles elle s’adresse. 1.3.4 Une confrontation des « bonnes causes » a lieu qu’on en ait envie ou non L’idée n’est donc pas de trouver une solution pour tel problème lié à une « bonne cause » — mettons celle de l’environnement — puis de « prendre le pouvoir » pour imposer cette solution. Car certes cette solution réglerait peut-être le problème, mais nous remarquerions probablement alors que toutes les « bonnes causes » ne sont pas en synergies, qu’elles ne sont pas une seule et même cause, et qu’en solutionner une nous bloque pour apporter des solutions à nos autres problèmes. Et qu’il n’y a par ailleurs pas de « bonne cause » qui prédomine sur toutes les autres, autrement dit que toutes les autres causes ne sont pas défendues que par des « cons » ou des « salauds ». Qu’en l’occurrence l’environnement n’est probablement en fait qu’une préoccupation secondaire pour bon nombre d’entre-nous, qui commenceraient déjà à protester pour maintenir leur standard de vie ou leur emploi. Que ne pas se préoccuper de ces autres responsabilités collectives créerait probablement un chaos comparable à celui du chaos environnemental. Et qu’aucun rapport de force ne pourra se maintenir de manière légitime s’il n’est pas en mesure de résoudre également ces autres problèmes. Autrement dit, aucun parti, aucun conseil, ni jury ne peut envisager lui-même tous nos problèmes, ne peut prendre la mesure de la profondeur de la complexité des situations. Essayons donc d’améliorer la composition du pluralisme de nos préoccupations, notamment en nous écrivant des Demandes de Critiques. 1.3.5 Dans quelles situations faire une Demande de Critiques ? La méthode des Demandes devrait être suivi lorsqu’on a l’intention de faire un changement « substantiel » à l’écosystème de notre village. Ce qu’est un changement « substantiel » évolue en fonction de nos usages, mais peut inclure les choses suivantes : • Mettre en commun du matériel. • Dénouer des nœuds organisationnels pour les renouer à une échelle pertinente. • Chercher à résoudre un conflit de basse intensité. • Questionner un statu-quo. • … C’est probablement « à la croisée des chemins » que faire une Demande est le plus utile, dans des cas où des actions difficilement réversibles sont menées ou engagées et où il faut donc se mettre à réfléchir à ce qu’on va faire maintenant, en construisant des possibles. 1.4 Motivations Nous habitons une commune, et son orientation et sa gestion nous appartiennent, ça nous concerne. Partant du principe qu’habiter cette commune nous donne à tous et toutes un même droit et un même devoir de codécider de ses affaires, nous devrions en faire un commun au moins aussi démocratique que les associations et coopératives les plus exigeantes en la matière. 1.4.1 Agir et pas seulement réagir Du fait de la liberté d’expression qu’il tolère, au plus un commun prend de l’importance, au plus il est probable qu’il attire des trolls : ces individus essayant de nous polariser les un·es contre les autres en s’adonnant à des propos inflammatoires, fallacieux voire diabolisant. Cela peut être une bonne nouvelle, car le troll peut nous unir contre lui, dans la mesure où nous lui faisons spontanément sentir que ses pratiques destructives ne sont pas les bienvenues. Mais le troll est habile pour flairer les blessures ouvertes ou mal cicatrisées de notre communauté, et pour donner un coup dedans comme dans une fourmilière, rendant probable qu’il nous divise suffisamment pour mieux faire avancer son agenda. En outre, nous ne devrions pas sous-estimer pas la faculté du troll de se nourrir de l’énergie qu’on lui oppose et de grossir jusqu’à ce que l’énergie nous manque, tant pour nous défendre que pour parler de nos problèmes plus importants, dont il nous a détournés. Trolls des champs ou des trolls des villes, trolls cyniques, trolls paniqués ou trolls joueurs : « merci, mais non merci ». 1.4.2 La vie et pas seulement la bourse Être amené·es à élire avec plus ou moins de liberté d’expression des personnes plus ou moins représentatives qui doivent — voire pensent réellement — connaître mieux que nous mêmes ce dont nous avons besoin et ce que nous voulons, ne devrait pas nous exempter de prendre intérêt aux affaires de notre commune, de donner directement de notre personne et pas seulement des taxes et des impôts. Cependant, encore faudrait-il probablement d’abord que nous convenions d’une méthode pour nous parler et nous écouter les un·es les autres sur les problèmes que nous rencontrons et solutions que nous imaginons. Une méthode qui soit abordable à tous et toutes, mais qui soit également efficace pour formuler et reformuler des propositions réfléchies, aussi détaillées que convaincantes, aussi capables de construire du consensus que nous aurons confiance en nous pour aller les faire vivre et évoluer auprès de nos voisins et voisines. 1.4.3 Nous écrire et pas seulement nous assembler Il ne peut y avoir de biens communs s’il n’y a pas de temps commun. Mais lorsque nous échangeons voire débattons de manière synchrone, au plus nous sommes nombreux-nombreuses au plus il devient difficile de trouver des créneaux communs, difficile de rester attentif·ves assez longtemps pour entendre toutes les personnes qui ont quelque chose à dire, et difficile de ne pas être stressé·es ou muet·tes face à la peur de parler en public (glossophobie). Et tous ces problèmes, en plus d’être difficiles, sont de vrais problèmes, car loin d’être de la perte de temps et d’énergie, se retrouver pour parler de nos affaires communes, c’est probablement le moment où l’on peut le plus être libres et égaux-égales politiquement. C’est pourquoi à ces assemblées, nous devrions tous et toutes pouvoir et vouloir aller, mais pas sans pouvoir nous y préparer en amont, et y donner suite en aval, avec notre meilleur outil commun pour cela : l’écriture. 1.5 Objectif 1.5.1 Objectif principal : une commune et des communs démocratiques Un désir et un souci de démocratie. L’objectif principal des Demandes de Critiques est d’améliorer les performances démocratiques de notre commune et des communs de son écosystème. Par une série numérotée de documents publics, permettant à ce que chacune de nos constructions communes prenne forme ou se transforme sans qu’aucun·e de nous ne puisse dire au départ : « voilà exactement la forme qu’elle aura ». Mais où chacun·e de nous puisse dire clairement : « voilà ce à quoi je suis particulièrement attaché·e qu’il y ait dans le bâtiment final », et y retrouver plus ou moins ça selon la rencontre avec les autres, qui portent d’autres préoccupations, et feront donc émerger des problèmes et solutions que la méthode des Demandes de Critiques permettra de traiter. Pour cela il s’agit de mettre au point une méthode efficace et un service contrôlé, De sorte que chaque personne se préoccupant d’un de ces communs en particulier ou d’une quelconque cause concernant un de ces communs, puisse co-construire la destination vers laquelle il évolue, et contrôler le respect de cette orientation par l’ensemble des autres personnes impliquées dans ce commun. Le rôle des Demandes est donc de rendre probable que quiconque puisse impulser des changements moyennant les recompositions dues à la rencontre avec les autres. Plutôt que de décréter d’emblée ou de manière isolée comment les choses vont désormais fonctionner. Ce qui serait un acte d’hubris, d’inconscience voire de violence. 1.5.2 Objectif minimal : porter la préoccupation démocratique Il s’agit d’avoir une meilleure connaissance des déjà-là et alliances possibles, tout comme des épreuves et résistances à surmonter, pour atteindre l’objectif principal. Afin que les personnes se préoccupant de démocratie puissent d’une part mieux faire face aux résistances qui s’opposent à elles, et d’autre part puissent allouer en priorité leur énergie sur les communs disposés à se démocratiser davantage. Au lieu de s’épuiser en vain dans des environnements aux préoccupations se révélant incompatibles avec la démocratie. 1.5.3 Objectif modeste : faire comprendre ce qu’est une Demande Il s’agit de mesurer le potentiel démocratique sur quelques Demandes de montrer l’exemple et de convaincre quelques Équipes de jouer le jeu démocratique. En encourageant la montée en compétences de chacun·e dans les domaines qui les préoccupent, et surtout en évitant autant que possible de perdre des personnes compétentes. Car la perte de compétences — individuelles ou collectives — engendre au mieux de la perte d’autonomie, au pire des accidents. Alors qu’à l’inverse plus une personne en sait sur le fonctionnement de quelque chose, sur ce qui se passe, plus son pouvoir d’action individuel augmente, ce qui augmente généralement aussi le pouvoir d’action des communs auxquels elle participe. 1.5.4 Objectif honorable : porter des Demandes dans des communs 1.5.5 Objectif ambitieux : porter des Demandes dans la commune 1.5.6 Objectif maximal : transmettre la préoccupation démocratique Il s’agit de faire la preuve que les Demandes marchent bien et valent la peine d’être conçues, notamment en inspirant d’autres communes « du Plateau » et communs de son écosystème à faire de même ou mieux. Afin d’avoir un environnement encore plus favorable à la démocratie gentipigeoise. 1.6 Inspirations 1.6.1 Une théorie issue des luttes pour l’environnement 1.6.1.1 L’environnement-sincère contre l’environnement-opportuniste Réfléchir aux effets de composition est essentiel pour ne pas aboutir à des systèmes de Shadoks, bouleversant des écosystèmes entiers. Ainsi, si on compare deux approches à prétention écologique autour de nous : l’isolation des logements et les parcs éoliens. L’isolation des logements va améliorer le confort des personnes, va créer de l’emploi local, et n’aura pas d’effets environnementaux indésirables. Là où des parcs éoliens gâchent la vie des gens qui habitent à côté, détruisent la biodiversité, ont le moins d’effets possibles sur l’emploi local, n’enlèvent rien au besoin des centrales nucléaires pour compenser quand il n’y a pas de vent, et poussent à rentrer dans une spirale de développement de réseau électrique à très grande échelle lorsqu’ils ne sont pas aux endroits où il y a la consommation d’électricité. Poussant ainsi l’hétéronomie à son comble, puisqu’ils sont déjà le faire valoir pseudo-écologique de grands groupes, pour se nourrir de subventions publiques et se mettre en position d’imposer des augmentations de tarifs aux consommateur·rices (Canard Enchaîné, 04/09/2019), mais pas parce que c’est un moyen intelligent de recomposer un monde écologique. Et il en va de même des grandes usines pour brûler du bois, qui ont une efficacité douteuse en termes de changement climatique. Alors que si l’on réfléchit aux filières de proximité de chauffage au bois, voire même à utiliser le bois seulement pour faire une isolation en cellulose, on peut alors avoir un réinvestissement par les acteurs locaux des filières bois et un résultat environnemental bien plus performant du fait de la réduction de besoins en énergies que cela induit. 1.6.1.2 Les raisons de la ruse Ainsi, une grande leçon de l’écologie politique, est que nous devrions sortir de ce genre d’approches qui décrètent de grands objectifs spectaculaires, des mesures emblématiques ou des marqueurs symboliques du type « on veut tant d’énergie renouvelable », qui découlent plus d’une lecture politique en termes de rapports de forces, que d’une lecture scientifique en terme d’impacts sur le résultat environnemental (climat, biodiversité, pollution, …). Approches qui en viennent donc souvent à considérer que tout ce qui ne va pas dans leur sens relève d’une résistance qui n’a pas lieu d’être. Mais que nous devrions au contraire chercher des moyens plus subtils, en réfléchissant aux effets de composition qu’on peut viser, afin qu’avec des moyens beaucoup plus faibles, il nous soit possible d’induire des changements beaucoup plus profonds. Effets de compositions qui sont trop souvent ignorés, notamment par une trop grande invisibilisation de de la mise en place des choses sur le plan pratique : qui rend des comptes à qui ? qui fait quoi ? quelle est la main-d’œuvre qui va produire ceci ou cela ? est-ce que les personnes concerné·es sont d’accord pour que leurs efforts convergent ? Car tout n’est pas qu’une question de rapport de forces et de « volonté politique », mais relève également du travail concret, organisé et organisant, des personnes qui font l’action, en deviennent expert·tes, et acquièrent une connaissance approfondie et réaliste des enjeux et possibilités de résultats concrets. 1.6.2 Une pratique issue des communs du numérique Fort heureusement on ne part pas de rien, puisqu’on peut par exemple s’appuyer sur un demi-siècle de pratique du principe des RFC (Requests For Comments), utilisé pour prendre soin de communs de notre infrastructure numérique (protocoles de communication, langages de programmation, systèmes d’opérations, …), le plus connu de ces communs s’appelant « Internet ». 1.6.2.1 No time, no power, no money Ces RFC d’Internet représentent un déjà-là d’autant plus remarquable qu’elles forment probablement l’organisme de normalisation le plus ouvert à tous et toutes dans les faits. Radicalement moins restreint en tout cas à celles et ceux qui ont du temps, du pouvoir et de l’argent, comme peut l’être l’ISO (International Organization for Standardization) dont l’accès est réservé aux expert·tes d’industries. Et où seule une grande société ou un grand État est en mesure de venir y défendre ses intérêts, comme par exemple après avoir conçu un protocole, l’intérêt de faire en sorte qu’il devienne la norme, afin de préserver ses investissements. Ainsi trouve-t-on des RFC explicitement politiques comme la RFC 1984 (dont le numéro ne doit rien au hasard) « IAB and IESG Statement on Cryptographic Technology and the Internet » refusant d’affaiblir la cryptographie. La RFC 6973 « Privacy Considerations for Internet Protocols » sur la vie privée. La RFC 7258 « Pervasive Monitoring Is an Attack », post-Snowden, affirmant que la surveillance de masse est une attaque contre l’Internet, et qu’il faut déployer des mesures techniques la rendant plus difficile. Ou encore la RFC 8280 « Research into Human Rights Protocol Considerations », creusant la relation complexe entre protocoles et droits humains. 1.6.2.2 « This memo […] » Des plus de 8000 RFC écrites depuis 1969, seulement une centaine sont devenues des normes à proprement parler, et plus d’un millier ont été rendues obsolètes par d’autres. Dans leur histoire se cache l’histoire des institutions humaines pour réaliser un travail coopératif. Car ces RFC documentent ce qui a été fait et pourquoi, en essayant de capturer le débat pour le bénéfice des bâtisseurs à venir du Réseau des réseaux ; qui se demanderont comment leurs prédécesseurs sont arrivé·es à leurs conclusions (ce qui leur fera probablement secouer la tête…). 1.7 Définitions 1.7.1 Un « commun » Nous appelons ici « commun » : une ressource envers laquelle nous observons ou désirons une responsabilité collective. Cette « ressource » peut : être tangible (une machine-outil, un four à pains, …) ou intangible (une connaissance, un logiciel, …), être choisie (une maison, une commune, …) ou subie (une usine polluante, …), être ouverte à l’usage d’un petit nombre ou d’un grand nombre de personnes. Et cette « responsabilité collective » peut : être assumée (par des associations, des autorités, …) ou niée (à cause de pollutions, d’inégalités, de paresses, …), être performante ou inefficiente par rapport à notre préoccupation, être dans le pouvoir d’un acteur ou de plusieurs acteurs de toutes sortes, présenter ou non des liens formalisés entre ces acteurs, et avoir une responsabilité de résultats plus ou moins bien affichée et attribuée. Pour rendre plus forte cette responsabilité collective envers une préoccupation que nous avons, il s’agira donc d’étudier l’action organisée comme une organisation. Autrement dit, sans considérer qu’une organisation à besoin d’un statut juridique pour fonctionner comme une organisation, et donc produire des performances plus ou moins bonnes. Par conséquent, ce commun peut plus ou moins exister selon d’une part notre exigence de résultats et notre modèle d’une organisation efficace, et d’autre part notre connaissance des efforts déjà faits et des difficultés rencontrées. 1.7.2 Une « organisation » Nous appelons ici « organisation » : l’articulation entre la division des tâches et la résolution du problème d’intégration que pose la division des tâches. Une organisation est généralement une articulation par territoire, par fonction, par produit, ou autre. Dans le cas des Demandes, la division première de l’organisation est la séparation par préoccupation (environnement, agriculture, transport, démocratie, science, ). Ce qui a pour conséquence que personne ne peut dire qu’il parle au nom d’une préoccupation qui engloberait ou qui dépasserait toutes les autres. Une organisation peut être une entité juridique, mais peut aussi exister de fait, par un système d’actions organisées entre différents acteurs. 2. Actions 2.1 Le style d’une Demande Le style des Demandes vise à de produire des documents qui sont lisibles, clairs, cohérents, raisonnablement uniformes et exempts de distractions publicitaires ou humoristiques visant à persuader plutôt que convaincre. 2.1.1 Un sujet circonscrit Une Demande doit être un document relativement auto-suffisant. Elle devrait référencer d’autres Demandes ou documents afin de se concentrer sur un seul sujet de référence, pour mieux le traiter. Une Demande doit concerner de près ou de loin au moins un·e habitant·te de la commune. Ces habitant·tes peuvent se sentir la compétence requise pour en parler, mais il est suffisant qu’il·les soient disposé·es à travailler à son acquisition ou amélioration à l’occasion du processus de rédaction, quitte à solliciter de l’aide auprès de toute personne ressource ayant une telle compétence. Une Demande devrait mentionner explicitement les situations traitables mais qui dépassent de son cadre, par exemple parce que trop complexes. 2.1.2 Un document de qualité Une Demande doit exprimer des idées avec suffisamment de clarté pour être comprises de la même manière par toutes les personnes qu’elle concerne. Une Demande devrait notamment chercher à anticiper les questions du genre « qu’appelles-tu X ? » où X est un terme peu connu ou surchargé de plusieurs significations. Elle devrait utiliser des termes précis même lorsqu’ils sont techniques et/ou peu connus, surtout lorsque rechercher ces termes permet d’accéder à une littérature instructive sur le sujet. Une Demande doit chercher à décrire suffisamment bien le fonctionnement et les enjeux de ses propositions pour permettre la compréhension des choix disponibles et permettre à chacun·e de savoir lesquels sont dans son intérêt ou non. Une Demande devrait être graphiquement sobre, et épurée de toute provocation. Une Demande doit utiliser des formats ouverts, ne requérant que des logiciels libres. Lesquels devraient être d’usage suffisamment courant pour ne pas requérir de formation particulière pour être utilisés de manière productive. 2.1.3 Un effort scientifique et philosophique Sur le plan scientifique, une Demande doit chercher à démêler le vrai du faux en réponse à la question « que pouvons-nous faire ? » selon une certaine compréhension du monde, à la frontière de tension entre possible et impossible. Nous écrivons généralement dans un style plus confiant que nous ne parlons, pour limiter ce biais une Demande doit mettre en évidence ses jugements sur l’échelle de mentions : « impossible », « peu probable », « possible », « probable » ou « généralement », et « avéré » ou « certain ». Elle peut toutefois accorder les mots de ces mentions correctement afin de les intégrer de manière lisse dans des phrases. Sur le plan philosophique, une Demande doit chercher à démêler le bien du mal en réponse à la question « que devons-nous faire ? » par rapport à une préoccupation de référence, à la frontière de tension entre nos préoccupations et celles d’autrui. Afin de signifier clairement ses niveau d’exigence et de recommandations, une Demande doit mettre en évidence ses jugements sur l’échelle de mentions : « ne doit pas » ou « inadmissible », « ne devrait pas » ou « n’est pas recommandé », « peut » ou « admissible », « devrait » ou « recommandé », ou « doit ». Elle peut toutefois accorder les mots de ces mentions correctement afin de les intégrer de manière lisse dans des phrases. Une Demande devrait sourcer les propos qu’elle affirme. Elle peut également comporter une critique de ces sources, permettant de juger de leur degré de fiabilité en cherchant à répondre à la question : « qui les a produites et comment ? ». 2.2 Les rôles 2.2.1 Les Équipes Chaque Demande doit être portée par une Équipe, qui devrait être d’une à trois personnes, mais peut aller jusqu’à cinq personnes. L’entrée ou la sortie de membres de votre Équipe est sa seule responsabilité. Votre Équipe devrait être politiquement homogène, à l’image d’un syndicat salarial qui exclut les patron·nes ou d’un groupe féministe non-mixte. Le Conseil Éditorial peut exiger que vous lui désignez un·e de ses membres comme unique référent·te. 2.2.2 Le Conseil Éditorial Le Conseil Éditorial (CÉ) est un groupe technique choisi par élection pour ses compétences. Il est responsable des actions qui lui sont confiées dans la section « Actions » de la présente Demande, comme l’aide technique à la rédaction ou encore l’administration et les décisions tactiques que nécessite le bon déroulement d’une Demande. Chacun·e de ses membres est nominé·e ou révoqué·e par le Jury Éditorial selon un jugement majoritaire permanent. Le Conseil Éditorial exécute la politique définie dans la présente Demande et par le Jury Éditorial. Il est de surcroît directement responsable d’assurer : • Le même traitement à chaque Demande. • La continuité des séries de Demandes. En particulier aucun numéro ne peut être réservé, chaque numéro doit être attribué à une Demande concrète lors de la phase d’« Équilibrage éditorial » de sa première Révision. • La prise en compte des discussions à propos d’éventuels ajustements à apporter au fonctionnement des Demandes. En particulier la reconnaissance que le fonctionnement décrit dans la présente Demande a besoin d’être ajusté pour être aligné avec tout changement effectif qui résulte de telles discussions. 2.2.3 Le Jury Éditorial Le Jury Éditorial (JÉ) est un groupe politique choisi aléatoirement pour assumer la responsabilité de consacrer le temps et l’attention que ne peuvent pas consacrer l’ensemble des personnes qui supportent la méthode des Demandes. Il est responsable des arbitrages concernant les décisions stratégiques et autres grandes orientations du dispositif des Demandes. Puisqu’on se considère égaux-égales sur le plan politique, chacun·e de ses 11 membres est nominé·e chaque année par tirage au sort publiquement vérifiable parmi les personnes qui ont enregistré un jugement sur la présente Demande, quel qu’il soit. 2.3 Alliances 2.3.1 Pivoine 2.4 Travaux futurs 1. Préciser les modalités du jugement majoritaire permanent. 2. Préciser les modalités du tirage au sort publiquement vérifiable. 3. Critiques 3.1 Inconvénients 3.1.1 Trop Long ; Pas Lu Problème : Les exigences de la présente Demande et les discussions en assemblées peuvent contribuer à nous motiver à lire et à écrire des Demandes. Mais les premières expériences (et pas seulement) risquent d’être très décourageantes si l’on s’attend à ce que beaucoup de nos interlocuteur·rices prennent du temps pour nous lire et nous faire des critiques. Surtout que ces Demandes proscrivent les tactiques provocatrices des trolls, et paraissent techniques plutôt que spectaculaires, parce qu’elles proposent des éléments actionnables, et doivent donc rentrer dans le détail souvent ennuyeux du concret. Réponse : Beaucoup de ce qui est écrit ici passera certainement en montrant l’exemple et par transmission orale, comme il est d’usage de se faire expliquer oralement et visuellement un jeu de société autour d’une table plutôt que de se confronter frontalement à la froideur du papier de la règle du jeu. Cependant, de même qu’on est content de pouvoir consulter la règle d’un jeu de société lorsqu’on se pose une question de fonctionnement un peu technique ou pour avoir des conseils de stratégie. De même on sera content d’avoir un document de référence, soigné, cohérent et réfléchi, pour nous aider à savoir quoi faire. 3.1.2 C’est trop d’efforts pour les Équipes Problème : Le travail d’une Équipe est de loin le plus exigent et hardu. Car il ne lui suffit pas d’écrire un Demande qui porte un monde meilleur pour les préoccupations qu’elle porte, mais qu’elle intègre ou apporte également des solutions pour les préoccupations qu’elle affronte, de sorte à ce que réaliser sa Demande devienne du « bon sens ». Réponse : Nous devrions reconnaître et valoriser symboliquement les efforts des Équipes. Les Équipes doivent pouvoir compter sur le Conseil Éditorial pour les soulager autant que possible des tâches éditoriales qui les déconcentrent des problèmes de fond, et pour être un support technique, social et humain dans leur recherche de critiques constructives à leurs Demandes. 3.1.3 C’est trop d’efforts pour le Conseil Éditorial Problème : Il est également probable que le Conseil Éditorial représente des investissements personnels et collectifs non-négligeables. De même qu’apprécier un jeu de rôles dépend pour une bonne part de la qualité du ou de la maître·sse de jeu, de même il est probable que la capacité de dévouement mais également les qualités humaines, d’écoute, de suivi et de sollicitude, des personnes incarnant le Conseil Éditorial soient à considérer comme l’un des facteurs déterminant dans la réussite de la méthode des Demandes. Réponse : Le Conseil Éditorial doit veiller à documenter ses pratiques, et à les rendre réplicables par d’autres. Sans ça la possible disparition brutale de ses membres signifierait probablement la fin des Demandes. Probablement souhaitable, la possibilité de salarier les membres du Conseil Éditorial au sein d’une structure formelle à but non-lucratif, reste à étudier. Il est en tout cas certain qu’il faut être vigilant·tes à ce que le Conseil Éditorial ne repose pas en pratique sur trop d’investissements personnels bénévoles, car alors il épuisera ou exploitera ses membres et risquera de n’être ni performant, ni pérenne. L’idée d’une cotisation des communs bénéficiant des Demandes est à étudier, tout comme la possibilité de solliciter des subventions. 3.1.4 C’est trop d’efforts pour le plus grand nombre Problème : Même si une solution est simple, comprendre pourquoi elle est du « bon sens » peut être difficile. Réponse : Une Demande est un document cohérent, composé par une petite Équipe et suivant une méthode exigente de clarification, elle devrait donc être abordable par le plus grand nombre. Cependant derrière leur apparence épurée et peu ludique, les Demandes ont pour but de traiter de manière intelligente — non pas des préoccupations abstraites parce que rencontrées à l’autre bout du monde ou dans les tours d’ivoire de chercheur·ses libéré·es des urgences du monde et des fins qu’il propose — mais des préoccupations concrètes impactant la vie quotidienne des personnes qui sont nos voisin·nes. Cette variante du « parlez-moi d'moi, y a qu’ça qui m'intéresse » peut déjà permettre de susciter une envie de comprendre assez large parmi nos voisin·nes. Enfin, il est ici aussi probable que l’on puisse compter sur la pression sociale (objectivée notamment par le consensus approximatif) et sur l’opportunité d’avoir pour voisin·nes des personnes en chair et en os pour nous convaincre et faciliter l’accès par transmission orale. 3.1.5 C’est restreint à l’écosystème de Gentioux-Pigerolles Problème : Cette Demande1 propose de faire des Demandes de Critiques « de Gentioux-Pigerolles », pas « de Creuse Grand Sud » ni « du Plateau de Millevaches », or une seule commune ne peut pas grand chose à l’heure des communautés de communes. Typiquement pour les PLUi (Plan Local d’Urbanisme intercommunal). Réponse : Comme nous le montrent le principe des RFC d’Internet, les RFC ont une capacité certaine de passage à l’échelle avec une relativement bonne performance démocratique. Cependant les RFC d’Internet ont été créées avec l’appui du Département de la Défense des États-Unis… Alors que les présentes Demandes n’auront probablement pas de support de cette envergure. Même si une piste pourrait être de s’inspirer de l’analyse faire par la proposition de « cotisation information » au régime général (Monde Diplomatique, 12/2014), en l’adaptant à une échelle locale plus actionnable dans une future Demande. Cela dit, il est probablement préférable de commencer petit lorsqu’on avance à tâtons, et éventuellement d’essaimer les choses qui marchent en montrant un déjà-là qui pourrait à son tour être les Demandes de Gentioux-Pigerolles. 3.1.6 C’est de la démocratie (trop) procédurale Problème : L’Objectif des Demandes « d’améliorer les performances démocratiques » laisse à penser que « s’il y a de meilleures procédures, alors, ça ira forcément mieux ». En outre cette « démocratie procédurale » développée par les Demandes est issue de la pratique d’ingénieur·res, et laisse donc à penser qu’elle est adaptée aux situations où il s’agit de trouver les meilleures solutions techniques pour atteindre des objectifs fixés (typiquement par des employeurs), et qu’elle n’est ni adaptée à remettre en cause les objectifs mêmes, ni adaptée à aborder des sujets très politiques où les relations de divergences et d’interdépendances sont plus aiguës, et où les relations sont généralement plus « humaines » et plus informelles. Il y a un risque à ce que les Demandes considèrent les façons de vivre ensemble comme un ensemble de techniques et de codes sources à modifier, alors qu’entre des gens présents autour d’une table se confrontent et s’actualisent les forces en présence, de sorte qu’il se joue d’autres choses que ce qu’il se déroule quand chacun·e « push » séparément son code de Demande. Réponse : La section « Nous écrire et pas seulement nous assembler » tente d’appuyer sur l’importance de se retrouver en assemblées, qu’il n’y a pas de bien commun sans temps commun, et qu’elles sont un moment nécessaire dans une démocratie. Mais, comme le but est de traiter scientifiquement et philosophiquement d’un sujet, sans préparation particulière ces assemblées ne pourraient être qu’en mode « café du commerce » où l’on va et d’où l’on revient les « mains dans les poches ». Écrire une Demande vise à au contraire à préparer ce qu'on va y aborder comme points et articuler comme arguments, puis prendre bonne note des critiques qui nous y seront faites pour revoir nos positions ou renforcer nos explications. Un manuel pratique, un guide pour l’action, permettant à quiconque d’impulser une force de changement dans un commun en ayant une théorie du changement aussi claire et robuste que possible, permettant de comprendre comment agir, à quoi s’attendre, sur quels leviers s’appuyer, à partir de quels indicateurs garder courage ou se décourager, … Bref, comment composer avec le monde et l’humain tels qu'il sont et non pas tels qu’on aimerait qu’ils soient. En outre, la nécessité d’améliorer nos procédures s’impose à nous dans la mesure où la question d’avoir ou non des procédures, c’est-à-dire d’être ou non un groupe structuré, ne se pose pas. Ce que développe par exemple Jo Freeman, activiste du Mouvement de Libération des Femmes étasunien,  dans [Freeman1972] : Contrairement à ce que nous aimerions croire, il n’existe pas de groupe sans structure. Tout groupe de personnes qui, pour certaines raisons, s’unit pendant un temps déterminé et avec un objectif quelconque, se donnera inévitablement une forme ou une autre de structure : celle-ci pourra être flexible et pourra varier dans le temps, peut-être servira-t-elle à distribuer les tâches de manière équitable ou injuste, ou à distribuer le pouvoir et l’influence entre les divers membres du groupe, indépendamment des personnalités, facultés ou intentions des personnes impliquées. Le simple fait d’être des êtres aux compétences variées, de prédispositions et d’origines diverses rend cela inévitable. Ce serait uniquement si nous refusions de nous fréquenter, ou d’interagir de quelque manière que ce soit que nous pourrions nous rapprocher d’un groupe sans structure, et ce n’est pas la nature d’un groupe humain. Aspirer à créer un groupe sans structure est alors aussi inutile et trompeur que prétendre qu’il existe des informations « objectives », que les sciences sociales sont « dégagées des valeurs », ou qu’il existe une économie « libre ». Un groupe laissé à lui-même est aussi réaliste qu’une société laissée à elle-même : la notion de groupe sans structure se transforme en un rideau de fumée qui favorise les puissants ou les chanceux qui peuvent établir leur hégémonie indiscutable sur les autres. Cette forme d’hégémonie peut s’établir très facilement, parce que la notion « d’absence de structure » n’empêche pas la formation de structures informelles : elle n’empêche que celle des structures formelles. […] Dans la mesure où la structure du groupe est informelle, les normes selon lesquelles on prend les décisions ne sont connues que de peu de personnes, et la conscience du fait qu’il existe une relation de pouvoir se limite à celles qui connaissent ces normes. Celles qui ne les connaissent pas, ou qui n’ont pas été sélectionnées et formées, resteront confuses, ou souffriront de l’impression paranoïaque qu’il se passe des choses dont elles n’ont pas pleinement conscience. Pour que tout le monde puisse s’impliquer dans un groupe donné et participer à ses activités, la structure doit être explicite et non implicite. Les normes de prise de décisions doivent être ouvertes et connues de toutes et tous, ce qui n’arrivera que si elles sont formalisées. Cela ne signifie pas que la formalisation de la structure d’un groupe détruit nécessairement sa structure informelle. En général ce n’est pas ce qui se passe. En revanche, cela empêche que la structure informelle détienne un contrôle prédominant, et en même temps cela offre la possibilité d’attaquer la structure informelle si des personnes impliquées ne répondent pas aux besoins du groupe dans son ensemble. […] Une fois que le mouvement aura cessé de s’accrocher à l’idéologie de « l’absence de structure », il aura la possibilité de développer les formes d’organisation qui seront davantage en accord avec son fonctionnement. Ce qui ne veut pas dire que nous devions rejoindre l’extrême inverse, et imiter aveuglément les formes traditionnelles d’organisation, mais nous ne devons pas non plus toutes les rejeter en bloc, certaines des techniques traditionnelles seront utiles bien qu’imparfaites, d’autres nous donneront une idée de ce que nous devons ou ne devons pas faire pour atteindre des objectifs déterminés avec un coût minimum pour les personnes qui composent le mouvement. Par-dessus tout, nous devrons essayer différentes formes de structuration et développer différentes techniques à utiliser dans différentes situations. Le système de tirage au sort est l’une des idées qui sont nées dans le mouvement ; il n’est pas applicable à toutes les situations, bien qu’il soit utile dans quelques-unes. Il faudrait plus d’idées pour développer une structure, mais avant de commencer toute expérimentation intelligente, nous devons accepter l’idée qu’il n’y a rien de pernicieux qui soit inhérent à la structure elle-même, il n’y a de pernicieux que sa présence excessive. 3.1.7 Ça n’engage à rien Problème : Partager du pouvoir est plus facile que de partager sa responsabilité. De plus, une autorité ou un partenaire demande souvent une unique personne responsable, et pas seulement une unique personne interlocutrice représentant son unité de volition. Typiquement un conseil municipal doit élire un·e maire·sse, et un conseil d’administration se dote souvent d’un·e président·te qui n’a pas pour seule responsabilité que d’organiser des réunions. Réponse : FIXME 3.1.8 Parler politique, c’est s’exposer Problème : Les expériences des assemblées de village médiévales, des monastères ou des villages zapatistes, nous montrent qu’il se crée une importante pression sociale au conformisme et à l’unanimité dans la démocratie « directe ». Alors que nos choix politiques sont effectués de nos jours sans que nous sachions ce qu’en pensent nos voisins, et sans même que nous nous y intéressions. Réponse : de François Dupuis-Déri : Il ne s’agit pas tant de pression sociale au conformisme ou d’un unanimisme de façade, mais bien plutôt de s’assurer d’avoir la plus grande capacité collective. Atteindre l’unanimité ou presque est crucial lorsqu’il s’agit de prendre une décision concernant un travail collectif, comme par exemple semer et moissonner les champs, réparer ensemble le pont ou le moulin, louer une parcelle de terre au village voisin, emprunter collectivement pour couvrir les frais d’une digue, etc. Cette décision n’a de sens politique et social que si toute la communauté, ou presque, est d’accord. À quoi bon prendre une décision à la majorité de 55% ou 65%, par exemple, si vous ne parvenez pas ensuite à la traduire en acte collectif ? 3.1.9 Assurer le secret des délibérations n’est pas facile FIXME 3.2 Résistances FIXME 3.3 Questions non-résolues 3.3.1 Quelles premières applications concrètes de cette Demande ? La présente Demande est un manuel, un manuel certes nourri de pratiques éprouvées dans certains communs numériques, et un manuel qui est certes un propre exemple de ce qu’il propose, mais un manuel qui reste néanmoins théorique et relativement abstrait par rapport aux préoccupations concrètes, actuelles et immédiates de nos co-villageois·es. Or qui lit un manuel avant d’utiliser un outil ? Et qui utilise des outils qui peuvent certes améliorer à terme la productivité, mais nécessitent frontalement un investissement important pour être pris en main ? De plus, sur un plan didactique, il est généralement préférable d’apprendre d’abord à partir d’exemples, puis de généraliser peu à peu pour faire émerger une méthode ou retrouver une théorie. Mais la présente Demande est nourrie de pratiques dont il est peu probable que les personnes auxquelles elle s’adresse aient déjà fait l’expérience, et aient donc déjà eu à faire face aux problèmes qui ont conduits à mettre en place les choix de cette Demande. Or il est difficile de ressentir la nécessité et l’importance des contraintes imposées et des efforts demandées par cette méthode des Demandes, sans avoir préalablement heurté·e personnellement les limites de ses alternatives. 3.3.2 La situation actuelle est-elle suffisamment insatisfaisante ? Si il se révèle que nous sommes suffisamment satisfait·tes de la manière actuelle que nous avons de « gérer » notre commune et nos communs, alors il est peu probable que la méthode des Demandes soit utilisée. Les Demandes doivent apporter des preuves qu’elles sont tellement mieux, que la question de les utiliser ou pas ne se pose plus, mais devienne du « bon sens » dès qu’il s’agit de faire des communs démocratiques. 3.3.3 Cette Demande trouve-t-elle un équilibre entre formalisme et flexibilité ? Le formalisme permet le contrôle, et le contrôle permet la confiance. Le formalisme est indispensable pour permettre d’être égaux-égales au delà d’un cercle restreint de personnes. 3.4 Alternatives 3.4.1 Continuer à nous laisser polariser par des trolls Trolls ne se souciant probablement guère des conséquences de leurs incitations à la haine envers les plus vulnérables d’entre-nous. 3.4.2 Déléguer Déterminer qui veut bien participer ou a les compétences pour faire partie d’un conseil, qu’il soit associatif ou municipal, c’est important, mais en rester là ne suffit pas. Une représentation politique démocratique ne devrait être qu’arbitre des préoccupations portées dans le reste de la société, mais pas à leur origine. N’étant d’ailleurs qu’un acteur parmi d’autres, son éventuelle « volonté politique » ou « parole d’expert·tes » est généralement incapable de faire face à la complexité des situations. À nous donc de développer vraiment comment va se dérouler notre action, qu’elles vont être ses conséquences, qui va s’y opposer, etc. 4. Références 5. Équipe La présente Demande est portée par : • Julien Moutinho Adresse : La Villatte, 23340 Gentioux-Pigerolles Mél : julm+demandes@autogeree.net Tél : 07 55 60 42 77 Déclaration d’intérêts : néant Veuillez m’adresser vos commentaires par écrit ou de vive-voix. Vos critiques seront acceptées aussi honorablement que vous prendrez soin de les formuler conformément aux prescriptions de la Demande4 « Un code de conduite pour critiquer une Demande de Critiques ». 5.1 Remerciements L’Équipe de la présente Demande dédie celle-ci à la mémoire de : • Laurent Mermet (1955 ‒ 2019), chercheur spécialisé dans la négociation et l’environnement, envers qui la présente Demande est redevable d’une grande partie de sa théorie du compositionnisme des préoccupations. • Jonathan B. Postel (1943 – 1998), informaticien éditeur des Requests for Comments pour l’IETF (Internet Engineering Task Force), comme figure emblématique des nombreux·ses autres auteur·res de RFC envers qui la présente Demande est redevable d’une grande partie de sa pratique éditoriale et organisationnelle.